Quand j’avais 16 ans, j’ai été invitée à participer à une hutte à sudation (sweat lodge). Mon père était alors en contact régulier avec certains individus de la communauté Innue de Mashteuiatsh (Pointe-Bleue). Il y visitait régulièrement et prenait goût aux rites et à la culture traditionnelle toujours vivante sur la réserve. Notez qu’à cette époque, j'étais full ado et je trippais solide sur la wicca (witchcraft). J’étais donc arrivé là-bas avec mes vêtements noirs, mon pentagramme dans le cou et mes piercings (pas si différent d’aujourd’hui finalement). Vous pouvez imaginer le choc de culture. Mais j’ai été accueillie comme une amie de la famille à bras ouvert. Ce jours-là, nous avons visité des commerces d’artisans locaux et j’ai passé l’après-midi à confectionner mon propre « medecine bag » avec l’aide de la femme de Denis, l’ami de mon père chez qui on restait. En après midi, j'ai fait la découverte d'une magnifique plume de geai bleu, que selon la symbolique autochtone représente la sagesse et la guidance sur le chemin spirituel. J'ai bien sûr apporté avec moi ces trésors dans l'expérience de la hutte à sudation qui suivit.
Complètement néophyte à la culture amérindienne, vous m’excuserez si ma mémoire ou mon interprétation fait défaut. De mon souvenir, la “lodge” se déroule comme suit : au crépuscule, les participants se dirigent vers la yourte en bordure de la forêt. La structure est basse de plafond et peut contenir un maximum de 10 personnes assises en rond. Ce soir-là, nous sommes seulement 4 ou 5 donc il y a amplement d’espace pour être confortable ou même s’allonger. Au milieu de la pièce se trouve un trou de quelques pouces de profond creusé à même le sol de terre qui sert à accueillir des pierres chauffées au feu nommées “grand-pères”. Chaque pierre représente l’esprit d’un ancêtre invité à guider la cérémonie et leur nombre détermine l’intensité de l'atmosphère à l’intérieur de la pièce.
La première partie de la cérémonie se déroule traditionnellement avec quelques chants et tambours, et honore les quatre directions de la roue de médecine (quatre peuples, quatre éléments, quatre saisons…). Ensuite, le “shaman” récite une plus longue prière au Grand Esprit. À ce point, cela fait environ 30 minutes que nous sommes assis dans la chaleur des pierres. La deuxième partie invite les participants à prendre un moment personnel avec le Grand Esprit, à tour de rôle. La personne peut s’adresser à voix haute ou intérieurement, puis indiquer à la personne suivante quand s’est son tour, s’assurant ainsi d’un moment privilégié avec les guides. Deux personnes prennent leur moment avant que le shaman m’invite à me recueillir. Notez que ce n’est vraiment pas la première fois que je vais dans un sauna et AUCUNE herbe ni aucun liquide n’est dispersé sur les pierres. J’ai chaud, mais je me sens bien et alerte (donc pas de faiblesse et pas de possibilité d'intoxication). Je ferme donc les yeux et commence ma prière silencieuse qui va un peu comme suit : “Grand Esprit, cela fait déjà un moment que je chemine spirituellement. J’ai l’impression que j’ai des choses à accomplir dans la vie, un sentiment d’avoir un genre de “mission” d’incarnation, mais je me sens égarée et seule. Je me demande si mon sentiment de “connexion” est imaginaire et j’aimerais bien avoir un genre de signe ou d’encouragement que je suis sur la bonne voie, que je fais ce qu'il faut.”. À ce moment, à court d’inspiration, j’ouvre les yeux, prête à dire au suivant que j’ai terminé, mais à ma grande surprise, je constate que les pierres chauffées à rouge, à moins de 2 pieds de moi, sont maintenant illuminées d’une couleur bleue. Genre bleu flash. Vraiment surprise, je frotte mes yeux pour enlever la sueur ou éliminer quelque défaut de vision induit, et je rouvre mes yeux grand grand à nouveau et fixe les pierres pour une grosse minute. Nope, pas d’explications, les pierres sont bel et bien BLEUES. Après quelques moments d’ahurissement, je referme mes yeux et dit MERCI au Grand Esprit pour le signe clair et je passe la “parole” au suivant. Comme de fait, en rouvrant les yeux quelques instants plus tard, les pierres étaient redevenues rouges.
Ce moment est devenu pour moi le premier évènement indéniable de mon cheminement. Ma première vision. Personne n’avait entendu ma prière, et quand j’ai mentionné mon expérience au shaman, il a simplement dit sans avoir l’air surpris qu’il avait, lui aussi, expérimenté des visions intenses dans la sweat lodge à quelques reprise lors d’évènements majeurs de sa vie. Par la suite, en cas de doutes, je me suis souvent re-ancré dans cette expérience, mais je l'ai rarement partagée avec mon entourage, par peur de me faire traiter de folle et de souiller la mémoire d'un moment qui pour moi était sacré.
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